ALI AU PAYS DES MERVEILLES

Publié le par El Hiya

« J’ai l’honneur de vous écrire ces quelques lignes pour vous faire savoir de mes nouvelles qui sont bonnes et en parfaite santé et j’espère que vous êtes également de même… » Telle est l’introduction des lettres (ras labria) qui s’échangeaient, dans le temps, entre nos émigrés et leur famille restée au bled. Les services postaux des deux rives jouaient alors un rôle primordial dans le maintien du contact qui restait permanent et vital entre eux. Car en ce temps là, c’est à dire juste après la 2eme guerre mondiale et jusqu’à son arrêt définitif en 1973, l’émigration était subie comme une nécessité pour subvenir aux besoins de survie de la famille. Le père, le frère ou le mari n’était contraint de partir qu’à contrecoeur et après avoir désespéré de trouver un emploi ou un moyen de survie sur place. C’est pourquoi on voyait surtout l’émigration se faire dans les régions les plus déshéritées, c’est à dire dans les zones rurales et montagneuses de l’est et de la Kabylie. A Grarem, c’était pour ainsi dire l’épicentre de l’émigration, car mis à part l’agriculture qui ne pouvait absorber qu’une petite part du chômage endémique, le reste de la population vivait dans une précarité épouvantable. Ce que nous racontent nos parents dépasse l’imagination, ils nous ressassent tout le temps les effets de l’année de la faim (3AM ECHAR ? Allah yahfadna ou yahfadkoum), mais on n’y prêtait guère attention. De ce fait, à Grarem et ses environs, vous ne trouverez pas une famille où il n’y a pas d’émigrés sur au moins une ou 2 générations. Parfois il y’a le père et 2 ou 3 de ses enfants. Pour ma part, mon père (Allah yarhmou) né en 1914 n’a pas émigré, pourquoi ? Parce que son frère aîné né en 1906 était déjà en France et son 2eme frère était engagé dans l’armée à l’époque (1930), alors le dévolu a été jeté sur lui pour garder le troupeau familial. Mais dans la famille on s’est vite rattrapé car mes 3 frères aînés ont tous émigrés en France, entre 1954 et 1971.

        Bien sûr l’émigration algérienne a connu plusieurs phases dans son histoire. Plusieurs ouvrages de plusieurs auteurs traitent du sujet. Mais mon propos concerne surtout l’émigration et les émigrés que j’ai connus et côtoyés. Je veux parler de cette émigration paisible et de ces bons pères de famille qui ont vécus en France mais qui n’ont pas perdu leurs racines, car le bled était leur raison de vivre et qui n’envisageaient pas leur vie sans retour périodique dans le village natal et auprès de leur famille. Ainsi avons-nous pris l’habitude de voir ces taxis qui ramenaient ces émigrés de l’aérodrome de Constantine, Ain el bey (aujourd’hui Mohamed Boudiaf), avec le porte bagage chargé de valise. Ils nous paraissaient toujours tirés à quatre épingle, rasé de prés, les joues roses et dégageant une senteur d’after shave. Ils étaient généreux envers toute la famille. En plus des mandats qu’ils envoyaient tout au long de l’année, ils ne manquaient pas de ramener des cadeaux pour chacun, en plus d’un joli pactole représentant les économies de toute une année…

                                                              A suivre 

 

  Diaspora
Les immigrés sont souvent mal vus, de ceux qu'ils ont quittés et ceux parmi lesquels ils arrivent. Les premiers leur reprochent de les abandonner, les seconds les soupçonnent de ne pas être des concitoyens sûrs. Pourtant ils sont une richesse humaine. Car il faut du courage, voire de l'audace et le goût du combat pour affronter l'inconnu, les aléas de la réimplantation, un climat ou une lumière étrangères. Ceux qui arrivent ont accompli des sacrifices importants et placent beaucoup d'espoir en ceux qui les accueillent. Ils oublient rarement les amis et les être chers dont ils se sont séparés, souvent sous la contrainte douloureuse des circonstances historiques, politiques, économiques ou religieuses.

Là n'est peut être pas l'essentiel. Les émigrés/immigrés constituent souvent une Diaspora, parfois importante  en nombre. Il y a dans l'histoire des examples célèbres de diapora influente à travers le monde, juive, chinoise, indienne, franco-antillaise. Les pays "mères" (ou marâtres) tout en les regardant avec condescendance, les cultivent avec soin car  ces diasporas peuvent jouer un rôle positif, là où ils sont là ou dans le pays qu'ils ont quittés, par l'argent qu'ils envoient à leur famille, l'expérience humaine et professionnelle qu'ils ont acquise, leur connaissance des langues. Les pays d'accueil voient en eux des canaux compétents par lesquels passer en cas de crise politique ou économique.

Par delà ces considérations utilitaires, les immigrés/émigrés sont une richesse humaine et culturelle importante par l'ouverture sur le monde, la connaissance qu'ils en apportent, le sens de l'aventure qu'ils portent eux, la pratique des fidélités et des identités multiples qui sont une nécessite dans le monde de la mondialisation, qui n'a pas que des défauts, car elle peut être, bien comprise, source d'universalité, d'échanges de tous ordres et d'amitiés.

Femmes et hommes des diasporas algériennes, juives, françaises (il y en a une, importante), soyons sans complexes, mais sans arrogance non plus, nous pouvons contribuer à construire un monde de progrès, ouvert et plus fraternel
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Max Véga-ritter
Clermont-Ferrand

     

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Y
<br /> Masha'Allah mon père me raconte souvent des anecdotes comme tu les racontes. Lui, ses frères et son père ont fait ces "va et vient" à l'époque dans des anciens bâteaux militaires dans lesquel il<br /> n'y avait que des places assises et des cordes pour se tenir le long des couloirs. Les traversées duraient 36 heures.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> jolie blog et bon fêtes de laid et bravo les verts<br /> <br /> <br />
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